Aujourd’hui, le sujet de la sexualité suscite encore un certain malaise et est considéré à bien des égards comme un véritable tabou. Lorsqu’il s’agit de masturbation, les choses ne sont pas plus simples, alors que celle-ci est un aspect indéniable de la sexualité et de son évolution.
Toutefois, nous tenons à préciser que cet article ne constitue en aucun cas un encouragement à la pratique de la masturbation, mais plutôt une tentative de fournir une meilleure compréhension du sujet d’un point de vue scientifique et sociétal.
Que fait de la masturbation encore un tabou ?
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la masturbation était accusée de toutes sortes de maux : folie, tuberculose, cécité et même surdité. Un médecin suisse, Dr. Tissot a même rédigé pas mal d’ouvrages là-dessus, le plus connu est “L’onanisme, dissertation sur les maladies produites par la masturbation” publié en 1761.
Cette chasse aux sorcières a duré plusieurs siècles, et même de nos jours, nos sociétés ne se sont pas entièrement débarrassées des idées reçues sur le sujet. Par exemple, on croit encore que se masturber souvent pourra réduire la taille du pénis ou “gâcher” la semence de l’homme. Mais surtout, le fait de croire que c’est une pratique qui est propre aux hommes.
Ce malentendu dérive de l’idée que la pratique sexuelle est à seul but reproductif. Ainsi, se masturber c’est soit du “gâchis” de spermatozoïdes, soit une perte de virginité pour les femmes.
Masturbation féminine
Ces fausses idées dévoilent aussi l’énigme que représente la sexualité féminine car plusieurs personnes pensent toujours qu’une femme ne jouit qu’à travers une pénétration. Au passage, l’Université d’Indiana révéle dans une étude que seulement 18,4 % des femmes interrogées parvenaient à atteindre l’orgasme vaginal. D’ailleurs, en faisant une recherche sur le sujet, vous tomberez sur des articles du style “Décryptage des secrets de la masturbation féminine”, comme si c’était un mythe.
Cependant, dans les années 70, la célèbre sexologue américaine Shere Hite a réalisé la première grande enquête sur la sexualité féminine. Plusieurs “secrets” seront révélés dans cette étude sur la sexualité, le plaisir et le désir. Parmi les résultats, le fait qu’un très grand nombre de femmes se masturbaient : 82% des américaines en 1976, 95% d’entre elles parvenaient sans peine à l’orgasme.
Une enquête récente de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et de l’Ined (Institut national d’études démographiques) révélait que 60% des femmes s’étaient déjà masturbées contre 90% des hommes.
De même, plusieurs médias féministes travaillent pour décrypter progressivement la sexualité féminine et les mythes qui l’entourent, normalisant et vulgarisant de nombreux aspects du sujet. Citons à titre d’exemple @period.studio, @fraiches ou @medfeminiswiya un média féministe méditerranéen.
Pourquoi faut-il en parler aujourd’hui ?
La nouvelle génération est consciente de l’importance de l’éducation sexuelle et de la nécessité d’être assez ouvert et mature pour en parler quand il le faut. D’ailleurs, la masturbation pour les deux sexes est de plus en plus abordée dans les productions cinématographiques, les séries et même les médias.
Les créateurs de ces contenus ont compris qu’il faut normaliser cette pratique et mettre en quelque sorte fin à la répression sexuelle qui est sans doute l’une des causes de la hausse des taux de violences et d’agressions sexuelles.
De même, cette restriction a mené et mène encore à des conséquences inconcevables. N’oublions pas “le guérisseur spirituel” arrêté en mai 2022 pour plus de 800 viols en Tunisie.
Bref, la masturbation c’est quoi ?
La masturbation ou l’onanisme est une activité sexuelle naturelle dont la finalité est d’assouvir une tension sexuelle. Selon les sexologues, la masturbation fait partie de l’apprentissage logique de la sexualité, des organes génitaux et du plaisir. Leurs discours au regard de cette pratique est parfaitement déculpabilisant et libérateur. Sa pratique régulière est normale pour le jeune ainsi que pour l’adulte, pour l’homme et la femme, et ne représente aucun risque d’anomalie ou de malformation pour la descendance.
Pourquoi les sexologues prêtent aussi d’importance à l’onanisme ?
Bien contrairement aux rumeurs propagés dans le XIXe siècle, les pratiques d’onanisme ne rendent ni aveugle ni sourd. Elles présentent toutefois plusieurs bienfaits aussi sanitaires que psychologiques sur celui qui les pratique.
Parmi les bienfaits sanitaires de l’onanisme :
- Booste le système cardiaque : comme tout autre activité physique, en faisant fonctionner le muscle cardiaque, la masturbation vient le renforcer encore plus.
- Prévient le cancer de la prostate : certaines études montrent que les hommes âgés entre 20 et 29 ans, dont la fréquence de masturbation mensuelle est égale ou supérieure à 21 fois, ont un risque réduit de 19% de développer un cancer de la prostate.
- Conseillé pour contrôler l’éjaculation-précoce : sans partenaire, il est plus facile de gérer son excitation grâce aux caresses prodiguées par soi-même. L’organisme et le cerveau apprennent ainsi à retarder l’éjaculation, la contrôler et l’apprécier.
- Agit comme un anti-douleur de courte durée : les hormones de bien-être amoindrissent la douleur, notamment celle liée aux migraines et aux crampes menstruelles.
- Somnifère naturel : l’état de relâchement qu’engendrent les endorphines, favorise le sommeil en apaisant les états de nervosité souvent à l’origine des insomnies.
Parmi les bienfaits psychologiques :
- Lutte contre le stress : lors de la masturbation, “les hormones de bien-être” ou les endorphines sont produits par le cerveau. Ces hormones favorisent le relâchement musculaire et installent un état de calme et d’apaisement.
- Mieux connaître son corps : la découverte de son corps permet une meilleure connaissance de soi. Identifier ses organes érogènes, leurs sensibilités et la manière dont les faire réagir pour pouvoir ensuite guider sa/son partenaire en partageant ses préférences.
- Booste l’estime de soi : une étude menée sur des adolescents de 16 à 19 ans dans les années 90, montre que l’onanisme entraîne une image positive de son corps et de soi. Cela favorise la perception de soi, la confiance et l’aptitude à plaire.
- Favorise l’intimité du couple : Les pratiques d’onanisme ne sont pas font pas uniquement l’objet un plaisir de compensation. Elles peuvent parfaitement exister parallèlement à une sexualité épanouie, voire la développer.
Du plaisir solitaire à la dépendance :
Bien que l’onanisme soit une pratique primordiale dans la découverte de sa sexualité, trop en faire pourra ramener à une véritable addiction et à des conséquences nocives sexuelles et sociales.
D’un côté, prendre du plaisir solitaire de la même manière posera problème au niveau de l’orgasme quand on est face à un rapport sexuel avec un partenaire.
D’un autre côté, comme toute autre addiction, cela crée une dépendance et la personne n’y prend même plus plaisir, elle doit la faire par obligation d’apaiser une tension.
Ainsi, la masturbation n’est plus liée à un soulagement et à un sentiment de relâchement, mais laisse plutôt place au dégoût voire à la honte et la culpabilité. Le film “Shame” en est le meilleur exemple à l’addiction du sexe.
De même, l’addiction à la masturbation est souvent liée à la dépendance sur le porno et les ads incontrôlables sur internet ne le rendent pas facile non plus.
Toutefois, ne vous inquiétez pas, tout est gérable. Dans le cas d’une addiction, il est évident que ce n’est pas facile d’en parler mais il faut consulter quelqu’un de confiance. Que ce soit un médecin, un sexologue ou même un psychologue, qui va analyser le cas et détecter sa cause.
Cette dernière, dans plusieurs cas, peut être due à une charge et à un stress dont on veut nous débarrasser excessivement. Ou à une absence d’autres moyens de se faire divertir et de remonter sa dopamine.
Pour résumer, l’onanisme est considéré par les sexologues comme étant une étape essentielle de prise en contact avec soi-même, qui participe pleinement à ce long apprentissage qu’est la sexualité, avec modération et précaution.