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Le paradoxe de la drogue licite

Le paradoxe de la drogue licite

Le paradoxe de la drogue licite

Demander du feu, sortir un paquet portant l’inscription “FUMER TUE”, saisir une cigarette, l’allumer, la porter à sa bouche et inspirer ; des gestes anodins devenus au bout de quelques cigarettes une habitude, voire un rituel pour beaucoup d’entre nous. Ce rituel, des adultes, des adolescents et même des enfants s’y prêtent de plus en plus, au grand dam des médecins.

Mais ce rituel a surtout une telle emprise sur nous qu’il devient difficile de s’en défaire.

Perçu comme une échappatoire, un moyen licite d’évacuer son stress, de s’affirmer et de se faire remarquer, ou au contraire de mieux s’intégrer dans une jeunesse où fumer est devenu la norme… maintes sont les raisons qui nous poussent à devenir fumeur mais maintes sont aussi les raisons qui devraient nous pousser à arrêter pour de bon.

De Christophe Colomb à l’épicier du coin

Lorsque l’on cite le célèbre Christophe Colomb et ses découvertes, on y associe souvent le continent américain en omettant un fait bien plus sinistre : la découverte du tabac. Le jeune navigateur évoque en effet dans les récits de son premier voyage la découverte de cette “herbe miraculeuse” qu’il s’est hâté de ramener en Europe.

L’addiction à cette dernière s’est cependant très vite manifestée puisque Colomb a affirmé quelques années plus tard en parlant dans ses récits des colons espagnols à Cuba : “ils s’étaient accoutumés au cigare et lui disaient qu’il n’était pas en leur pouvoir de cesser d’en prendre !”.

Vanté par la suite pour ses mérites médicinaux et étrangement efficaces contre migraines et maux de tête, le tabac a été introduit comme pratique par le médecin de Philippe II d’Espagne et surnommé “herbe sainte” en Italie.

En 1632, Sir Francis Bacon, philosophe anglais de renom écrivait : “L’usage du tabac s’étend beaucoup. Il conquiert les hommes grâce à un certain plaisir secret, tel que ceux qui ont commencé, peuvent difficilement se restreindre ensuite.”

Les dés étaient donc jetés et le tabac se propagea à une allure folle dans toute l’Europe et l’Amérique et ce, durant les XVIIème, XVIIIème et XIXème siècles en prenant diverses formes plus nocives les unes que les autres : le cigare, la pipe, la chique, la prise nasale… Mais le dérivé qui eut le plus de succès était la cigarette. Manufacturée pour la première fois en 1850, cette cigarette industrielle a connu un essor important auquel ont grandement contribué les guerres, en particulier celle de 1914-1918. Pendant cette dernière, la cigarette et le vin rouge étaient systématiquement distribués aux soldats, un moyen de fuir les atrocités des champs de bataille l’espace de quelques bouffées, et de calmer l’angoisse et l’anxiété.

Voilà donc comment la cigarette s’est infiltrée dans nos sociétés laissant derrière elle une odeur âcre et morbide, celle de la nicotine.

La face cachée de la cigarette 

En dépit de ses méfaits connus de tous, le tabagisme demeure une pratique commune et répandue dans toutes les sociétés. Un geste du quotidien qui s’est banalisé dans bon nombre de pays jusqu’à devenir la norme. Mais pourquoi ? Eh bien, deux raisons principales à cela : l’une d’ordre psychologique et l’autre physique.

Intéressons-nous d’abord aux facteurs psychiques ou, en d’autres termes, à la symbolique du tabac et à ses enjeux sociaux.

La première cigarette émane très souvent d’un désir d’identification, soit par l’affirmation de soi-même soit par l’adhésion à un groupe.

Vous êtes avec un groupe d’amis. L’un d’entre eux vous tend une cigarette. Vous songez d’abord à refuser compte tenu des répercussions potentiellement dévastatrices du tabac sur votre santé. Mais vous finissez tout de même par prendre la cigarette.

Pourquoi ?

C’est assez simple : pour vous, cette cigarette est un échange symbolique, la porte d’entrée pour adhérer à ce groupe d’amis, une forme d’émancipation, une preuve que vous n’êtes plus un enfant mais bien un adulte… Ou peut-être que pour vous, comme pour beaucoup de gens, en l’occurrence les adolescents, fumer est un symbole de virilité, symbole entretenu depuis des décennies par les guerres et le cinéma d’après-guerre. Ou peut-être que pour vous la cigarette est gage de liberté, de rébellion contre les codes sociaux patriarcaux comme le pensaient les femmes au XIXème siècle. Toutes ces symboliques, nous les avons inconsciemment intériorisées, nous avons accepté qu’elles soient imprégnées dans la mémoire collective de nos sociétés jusqu’à devenir indélébiles. Et une fois que la tentation est là, nombreux sont ceux qui y succombent.

Cela nous amène à la deuxième raison : la dépendance physique. En effet, le tabac, et singulièrement la cigarette, constitue une véritable drogue licite, sans troubles apparents mais dont la consommation a toutes les caractéristiques d’une addiction. Cette addiction est principalement liée à la présence de nicotine, une substance chimique toxique qui augmente la sécrétion de certains neurotransmetteurs dans le cerveau comme la dopamine et la sérotonine, procurant ainsi une sensation de légèreté, de bonheur et de plaisir au fumeur.

Mais la nicotine n’est pas le seul composant à blâmer. En effet, les additifs et les arômes qu’on retrouve de plus en plus dans les cigarettes, contribuent à développer cette dépendance. Prenons comme exemple le menthol. En plus de modifier le goût de la fumée pour la rendre plus agréable, il facilite une inspiration plus profonde et donc l’inhalation d’une plus grande quantité de nicotine et d’autres substances nocives. C’est donc par le biais de ce mécanisme-là que le tabac tue plus de 8 millions de personnes chaque année et constitue donc la deuxième cause de décès dans le monde, selon les rapports de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Mais parmi ces 8 millions il n’y a malheureusement pas que des fumeurs…

Se tuer ? Pire encore : tuer les autres 

Nous le savons tous, le tabagisme est à l’origine de nombreuses maladies cardiovasculaires, respiratoires chroniques et d’un nombre important de cancers (pouvant toucher les poumons, la bouche, le pharynx, l’œsophage, le pancréas et la vessie). Mais ce que certains ignorent, ou pire, choisissent d’ignorer c’est que ces répercussions dévastatrices ne concernent pas uniquement les fumeurs. En effet, sur les 8 millions de morts que nous avons évoqués, seulement 7 millions sont des fumeurs actifs. Quant au plus de 1 million restant, et bien ce sont des victimes.

De quoi me diriez-vous ?

De l’égoïsme de certains qui mettent en péril leur vie et celles des autres pour un plaisir éphémère et un regret éternel. L’inconscience des parents qui empoisonnent leurs enfants, l’ignorance des instituteurs qui enveniment leurs élèves, l’aveuglement de certains quant aux menaces du tabagisme pour la santé publique et l’insensibilité de beaucoup aux campagnes de sensibilisation contre le tabagisme passif.

Lorsque vous cédez à une envie coupable et que vous allumez une cigarette dans un endroit clos tel que votre maison, votre bureau ou votre salle de cours, 4 000 substances chimiques se dégagent de la fumée que vous expirez, et parmi elles, environ 250 sont nocives et plus de 50 sont cancérigènes. Et ces 250 substances nocives ne se dissipent pas lorsque vous éteignez votre cigarette. Elles peuvent rester jusqu’à 5 heures en suspension dans l’air. Ce sont 5 heures pendant lesquelles vous, mais également tous les gens non-fumeurs présents dans la salle, inhalez une fumée invisible et incolore qui, à long terme, et dans le meilleur des scénarios vous causera un cancer, dans le pire, vous coûtera la vie. 

Comment s’en sortir ?

La première étape lorsque l’on veut vaincre le tabagisme, c’est de prendre conscience que l’on a plus à y perdre qu’à y gagner.

Une fois que cette idée est bien imprimée dans notre esprit, le plus important c’est d’éviter une rechute. Les envies de nicotine peuvent être intenses, et en refusant de fumer, on peut ressentir des sauts d’humeur, des fluctuations de l’appétit, une prise de poids ou de l’anxiété.

Les débuts seront donc durs et vous songerez certainement à abandonner, à succomber à vos envies et à fumer de nouveau. Il est donc important de trouver des moyens pour résister à la tentation et pour combler le vide laissé par la nicotine.

Faites du sport, méditez, trouvez-vous un groupe de soutien, entourez-vous de bonnes personnes, éliminez et évitez les déclencheurs qui vous pousseraient à fumer, mais surtout soyez tenaces et dites-vous que beaucoup s’en sont sortis, alors pourquoi pas vous ? 

Et puisque le tabagisme est une affaire de santé publique, nos gouvernements prennent eux aussi des mesures pour lutter contre ce fléau. On parle ici de campagnes médiatiques nationales qui se sont avérées à fort impact. Dans ce cadre, le National Cancer Institute (NCI) a conclu que les campagnes médiatiques sont efficaces pour réduire le tabagisme des jeunes et des adultes. Et les maîtres mots dans la lutte contre le tabagisme sont : émotion et choc. En effet, les images qui induisent des émotions fortes sont aussi celles qui ont le plus d’impact sur les spectateurs. Un rapport du Surgeon General confirme notamment que les adolescents répondent particulièrement aux campagnes médiatiques induisant de fortes émotions négatives, en faisant appel aux conséquences sanitaires du tabagisme actif et passif. 

La connaissance d’un risque ne suffit jamais à elle seule à supprimer un comportement, surtout lorsqu’il s’agit du tabagisme qui perdure depuis des décennies. Cependant, il n’est jamais trop tard pour vous rendre compte que votre santé et celle de vos proches vous importent plus qu’un plaisir entaché de regrets et que vous aimez suffisamment votre vie pour éviter de la gâcher.

Et que vous soyez un fumeur qui essaie de vaincre cette dépendance ou un non-fumeur soucieux d’éradiquer ce fléau sociétal, un individu conscient des dégâts du tabagisme ou une société qui veut aider les gens à ouvrir les yeux, vous pouvez aider de plusieurs manières pour qu’on puisse créer, ensemble, un environnement sain ou du moins, moins toxique. 

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Yesmine Ben Bader

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