Nous, les tunisiens, avons la chance de former un groupe d’individus relativement homogène. Il existe sûrement des différences culturelles entre les zones géographiques et les classes sociales, mais globalement, la plupart des tunisiens ont grandi dans des conditions assez similaires en termes de culture, de religion et d’origine.

On pourrait penser que la paix relative et la durabilité de la Tunisie s’expliquent par le fait que les tunisiens ont les mêmes racines. Néanmoins, les faits historiques et génétiques sont là pour nous rappeler que la vérité est tout autre.

Bref historique  

Malgré l’unité démographique que connaît la Tunisie d’aujourd’hui, il est important de garder à l’esprit que le tunisien moderne est le résultat d’une succession de cultures et de civilisations qui ont adopté notre beau pays comme patrie permanente. Certaines de ces civilisations sont restées sur le sol tunisien plus longtemps que d’autres. Certaines ont eu un impact culturel plus profond que d’autres, mais elles y ont toutes laissé leur empreinte démographique. 

Vers 900 avant J-C., les phéniciens sont arrivés sur les côtes tunisiennes, portant avec eux non seulement l’espoir d’un nouveau grand empire, mais aussi les traditions, les enseignements et les acquis d’une civilisation déjà bien établie.

Le métissage entre les phéniciens et les autochtones a créé la première race qui donnera vie au grand héritage tunisien. Un peuple purement et authentiquement tunisien malgré les différences raciales, un peuple connu sous le nom de “carthaginois”.

Carthage est devenue une grande puissance maritime rivalisant avec Rome pour le contrôle de la Méditerranée jusqu’à ce qu’elle soit vaincue et capturée par les romains en 146 avant J-C.

Les romains ont régné et se sont installés en Afrique du Nord jusqu’au Ve siècle, lorsque l’Empire romain s’est effondré et que la Tunisie a été envahie par des tribus européennes, dont les vandales. La conquête musulmane du VIIe siècle a transformé la Tunisie et la composition de sa population au même titre que les vagues ultérieures de migration en provenance du monde arabe et ottoman, y compris un nombre important de musulmans et de juifs espagnols vers la fin du XVe siècle. Assimilée à l’Empire ottoman au XVIe siècle, la Tunisie a connu sa dernière étape avant la souveraineté en passant sous colonisation française de 1881 jusqu’à l’indépendance de 1956. Tous ces événements ont fait de la Tunisie un pôle culturel attirant des voyageurs d’origines ethniques diverses.

L’histoire inspirante de la fusion de différentes cultures pour créer un peuple unifié est une anticipation de l’histoire ethnique de la Tunisie.

Origines : d’où viennent réellement les tunisiens ?

Après avoir pris connaissance de toutes ces informations, on se demande éventuellement : “d’où viennent vraiment les tunisiens” ?

La réponse à cette question est en réalité sous nos yeux. Il suffit en effet de prêter attention aux personnes qui nous entourent pour s’apercevoir que la Tunisie compte de nombreux visages aux traits bien différents.

Dans son livre, « Les Tunisiens qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Les révélations de la génétique », le Dr Amel Benammar Elgaaied explore les origines génétiques du peuple tunisien et creuse en profondeur dans le patrimoine démographique actuel de notre pays.

Cet ouvrage, qui se fonde sur plusieurs domaines tels que celui de la médecine légale, l’explication des caractéristiques épidémiologiques des maladies héréditaires en Tunisie et la science de la génétique pharmacologique, prouve que l’ère du métissage était un processus fondamental dans l’établissement de l’identité tunisienne.

Force est de constater que malgré les différentes civilisations qui se sont succédées en Tunisie, la civilisation arabo-musulmane reste la plus influente. Les croyances religieuses et culturelles qui ont accompagné les conquêtes islamiques font d’ailleurs toujours partie du patrimoine tunisien.

Néanmoins et contrairement à la croyance populaire, les recherches et les analyses ADN menées par le “National Geographic” montrent que les arabes ne sont pas ethniquement dominants en Tunisie. Selon la recherche, voici la répartition démographique en Tunisie :

• 88-88,9 % : natifs d’Afrique du Nord
• 5-5,1 % : Européens du Sud
• 4% : arabes
• 2% : natifs d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest

Ces statistiques prouvent ainsi que le patrimoine génétique et le patrimoine culturel sont très différents même s’ils sont souvent confondus. L’adoption d’une culture n’implique en effet pas nécessairement l’appartenance ethnique à cette dernière.

Aujourd’hui, les Tunisiens, toutes ethnies confondues, pratiquent les mêmes coutumes quelles que soient leurs origines culturelles ; on fête l’Aïd et le Ramadan en célébrant la culture islamique, on assiste au Festival international du Sahara en célébrant la culture bédouine, et nous créons des marionnettes “Oumouk tangou” pour invoquer la pluie en célébrant l’héritage punique. Ces exemples ne sont que quelques-unes des nombreuses coutumes dont les origines culturelles se sont estompées avec le temps.

Une nation aussi riche que diverse

La diversité en Tunisie est toujours aussi présente, même aujourd’hui. Le changement et la différence marquent tous les aspects de la vie, contribuant à la beauté de notre société : 

• Les différentes coutumes, traditions et spécialités culinaires (chermoula à Sfax, casse-croûte lablabi à Bizerte…) de chaque région géographique de notre pays font que les longs voyages en voiture en valent la peine.
• Les diverses opinions politiques ouvrent la voie à notre démocratie pour lui permettre d’aller de l’avant. Notre pays accueille bon nombre de partis politiques aux approches très divergentes ; des partis les plus conservateurs de droite aux partis les plus libéraux de gauche.
• Les multiples clubs de supporters sportifs qui décorent nos tribunes et encouragent les succès sur nos terrains. Ce sont les rivalités internes entre nos équipes qui ont permis aux uns et aux autres d’atteindre des sommets et par conséquent, à la Tunisie de devenir une puissance continentale sportive.
• Les différentes religions qui harmonisent nos quartiers. L’île de Djerba en est l’exemple même puisqu’elle témoigne de nombreuses scènes de coexistence pacifique entre la communauté musulmane et la communauté juive et ce, depuis des centaines d’années.
• Enfin et surtout, les différentes façons de penser qui font de notre pays une terre fertile pour la communication et le débat, ouverte à toutes les opinions. La prise de conscience tunisienne de l’importance de la circulation des idées a largement profité à de nombreux secteurs, en premier lieu le secteur économique. Aujourd’hui, la Tunisie compte plus de 828 000 entreprises et startups fruits du “libre-échange” des idées.

La diversité est omniprésente partout et en tout lieu. C’est ce qui fait avancer notre communauté, une œuvre d’art que nous choisissons involontairement de ne pas apprécier. 

La Tunisie est plus solide lorsqu’elle est ouverte à la diversité, à l’intérieur comme à l’extérieur.