Les stéréotypes du rap, souvent associés à la violence, la misogynie et d’autres clichés, peuvent facilement obscurcir la richesse et la diversité de cette forme artistique. Pourtant, au-delà de ces préjugés, tout comme dans toute forme artistique, il y existe une profondeur et une richesse sous-jacentes qui transcendent ces clichés. Un exemple frappant de cette nuance est Ghali, jeune artiste italo-tunisien et figure emblématique du rap italien. A 30 ans, il a su conquérir les scènes musicales italiennes avec son approche unique et inspirante. Il offre un regard authentique et positif sur le rap, dépassant les clichés pour célébrer la véritable essence de cette culture artistique.
Des premiers pas à la gloire, l’homme derrière les vers
« Si vous connaissiez mon histoire, il serait difficile de garder espoir »
– Ghali
Né en Italie, de parents Tunisiens, Ghali Amdouni, a sculpté son identité artistique au cœur du quartier ardent de Baggio, inscrit dans la trame urbaine de la métropole lombarde. Avec un père souvent absent, c’est sa mère qui assume la responsabilité de son éducation, sujet qu’il aborde fréquemment dans ses chansons.
Le jeune artiste qui s’est confié lors d’un tournage de la série de courts-métrages de GQ, en collaboration avec Gucci, a expliqué avoir vécu une enfance difficile, marquée par la maladie et les soucis financiers. Pendant une période, lui et sa mère ont été sans abri, dormant sur des tapis et cuisinant avec des réchauds de camping. Malgré ces conditions, sa mère a inculqué en lui le désir de se surpasser, d’exceller, et d’exprimer sa créativité.
L’école a joué un rôle crucial dans la vie de Ghali, comme il le souligne avec émotion. « C’est là que j’ai compris que je pouvais faire quelque chose avec l’art. Mon professeur m’a encouragé à continuer à écrire, et j’ai appris que je pouvais mener des combats sociaux à travers la musique, avec des mots et des paroles plutôt que par la violence physique. J’ai commencé à imaginer des histoires dans le cadre de mes devoirs, et maintenant, j’écris des tubes pour l’Italie. »
Depuis son enfance, Ghali nourrit une passion brûlante pour l’écriture, une passion qui le guide naturellement vers le monde de la musique. Adolescent, son rêve était de devenir un artiste nationalement reconnu et aimé par tous les Italiens, pas seulement par les « gamins qui traînent dans la rue », comme il le mentionne dans une interview accordée en 2023 au New York Times.
Avec son premier album marquant le début d’une exploration musicale axée principalement sur la trap, Ghali explique que la trap représente la pop contemporaine, une forme d’expression franche qui dépeint sans détours la réalité quotidienne. Elle relate la vie réelle, ce qui se déroule dans les rues. Avec cet état d’esprit, il partage à travers ses textes son histoire, rendant hommage à sa mère et à tous ceux qui ont contribué à ses débuts prometteurs. Cependant, il n’hésite pas également à traiter de sujets sensibles tels que le racisme, la religion, l’injustice et son identité, naviguant entre l’italianité et l’arabité.
En contemplant son parcours, Ghali revendique fièrement son appartenance à l’Italie tout en tissant un lien intime avec ses origines tunisiennes, dévoilant ainsi son récit romantique italien.
Rhapsodie Milanaise : La voix tunisienne qui rap Milan
Dès ses débuts musicaux, il se dévoile sous les noms de Fobia, puis Ghali Foh, avant d’embrasser son identité tunisienne sous le mononyme Ghali, assumant pleinement ses racines. L’éclat de sa créativité prend une dimension significative en 2011, lorsqu’il fusionne avec le rappeur Ernia, la chanteuse Maite et le producteur Fonzie pour donner naissance au groupe émérite, Troupe D’Elite. Le rappeur initie son parcours solo avec la « Leader Mixtape », en juillet 2013. Seulement quelques années plus tard, il fonde son propre label discographique « STO Records » en 2015, année qui se dessine comme une étape phare dans la carrière de Ghali. L’année suivante, il propulse le single « Ninna Nanna », pulvérisant les statistiques en atteignant 200 000 écoutes sur Spotify en seulement 24 heures, inscrivant ainsi son nom en lettres d’or sur la scène musicale italienne.
« Je pense que la musique peut être une arme, mais dans le bon sens du terme. Parfois, vous ne pouvez pas y échapper, vous avez la responsabilité et vous devez y faire face. », estime Ghali.
Le maestro des causes justes
À 30 ans, Ghali incarne un symbole vibrant d’une génération profondément engagée. Son engagement se manifeste non seulement dans sa musique, mais aussi dans sa volonté d’explorer des thèmes sociaux ardus, tels que celui de la guerre. Utilisant sa musique comme une forme d’expression, il transforme son art en un sanctuaire où l’amour et la proximité résonnent de manière singulière.
En lice pour le prestigieux festival de Sanremo, grand-messe de la musique italienne, Ghali a captivé le public avec sa performance « Casa mia », titre qui résonne directement avec Gaza, ajoutant une dimension poignante à son acte artistique. Devant plus de dix millions de téléspectateurs rivés à leurs écrans pour suivre le festival, le jeune artiste scande « Stop au génocide », provoquant la colère de l’ambassadeur de l’entité sioniste en Italie, déclenchant ainsi une polémique. Dans l’émission « Domenica In », Ghali a répondu à l’ambassadeur, affirmant : « J’écris mes chansons depuis l’âge de 13 ou 14 ans, j’ai toujours parlé de ce qui se passe. Je n’ai pas commencé le 7 octobre. (…) Les gens ont l’impression de risquer quelque chose s’ils disent vive la paix. »
Malgré la controverse, Ghali a brillamment atteint le top 5, parmi trente chansons en compétition lors de cette 74èmeédition.
« Quand j’étais enfant, je rêvais et, hier, j’ai fini quatrième au classement. Qui sait, parmi ces enfants qui meurent à Gaza, combien il y a de stars, de médecins, de génies. », a déclaré l’artiste.
Affichant également un fort engagement politique, Ghali a fait don d’un bateau de sauvetage à l’ONG « Mediterranea Saving Humans » en juillet 2022 et a pris part à des missions de sauvetage en Sicile.
Avec une carrière en constante évolution et des projets à venir, Ghali demeure un artiste d’une infinie polyvalence et dévouement, prêt à partager son histoire et à transcender les frontières à travers sa voix et sa musique.
Ambassadeur de la beauté tunisienne
Bien qu’il soit né, ait grandi et ait vécu toute sa vie en Italie, Ghali demeure profondément ancré à ses racines tunisiennes. Contrairement à certaines personnalités qui, avec la notoriété, peuvent parfois s’éloigner de leurs origines, le rappeur a choisi une voie différente. Il a, à chaque occasion, utilisé sa célébrité comme une plateforme pour célébrer avec fierté la splendeur de la Tunisie. En 2018, Ghali a marqué son premier passage en Tunisie en assurant la première partie lors d’une soirée pour les jeunes à la Cité de la Culture. Quelques temps plus tard, il a été choisi par la prestigieuse marque Gucci pour être l’ambassadeur de leur nouvelle campagne, intitulée « The Performance Act ». Dans le cadre de cette campagne, un mini-clip a été tourné en Tunisie, mettant en lumière le parcours du chanteur à travers des sites historiques tels que Oudhna et les Hnaya de Zaghouan. Le clip présente également des moments émouvants avec sa mère, évoquant les défis qu’ils ont surmontés avant que son fils ne devienne la grande figure artistique que l’on connaît aujourd’hui.
Le géant du fast-food McDonald’s a lancé, dans sa chaîne en Italie, un menu spécial avec une sauce piquante baptisée « Jimmy Hot » en hommage à Ghali. Cette idée novatrice émane du rappeur italien d’origine tunisienne, qui, malgré ses débuts modestes, a réussi à créer un produit qui reflète sa propre histoire. « Quand j’étais plus jeune, mes camarades de classe fêtaient leur anniversaire au McDonald’s. Je n’en ai jamais eu les moyens et j’ai promis à mon ami imaginaire, Jimmy, qu’en grandissant, j’attirerais l’attention de McDonald’s pour proposer ma propre idée en hommage à mes origines. », explique Ghali.