Le monde se remet à peine d’une pandémie doublée d’une crise économique fulgurante. Toutefois, un nouveau bouleversement s’opère au second plan depuis plusieurs mois déjà. Ce bouleversement concerne les conséquences de la pénurie des semi-conducteurs et renforce ainsi la théorie de la dépendance humaine envers la technologie.
En pleine transition vers l’Intelligence Artificielle, la 5G et la blockchain, les semi-conducteurs semblent pouvoir donner un nouvel élan à une économie internationale essoufflée.
Qu’est-ce qu’un semi-conducteur ?
Un semi-conducteur est un matériau qui permet la circulation de l’électricité et la création de circuits à travers lui. C’est une pièce indispensable à de nombreuses industries, notamment celles des pièces électroniques ou des automobiles.
Les semi-conducteurs ont aussi des applications militaires surtout au niveau des technologies aérospatiales telles que les missiles ou les drones.
Récemment, à force de progrès technologiques, la taille d’un semi-conducteur a atteint des échelles irréelles. Un semi-conducteur a en effet une taille plus petite que celle d’un grain de sel (0.5 millimètre), d’une cellule de la peau (30 micromètres) ou bien d’un anticorps (environ 10 nanomètres). En 2021, IBM a notamment dévoilé son dernier modèle dont la taille était de 2 nanomètres seulement.
En sa qualité de matériau indispensable pour de nombreuses productions, ce composant électronique attise nécessairement les convoitises des états et des entreprises leaders en technologie. C’est donc la raison pour laquelle les rivalités étatiques autour de ce minuscule matériau stratégique ont récemment atteint leur apogée notamment entre la Chine et les Etats-Unis.
Revenons tout d’abord en arrière afin de remonter aux origines du contentieux.
Sur les traces d’une guerre froide
C’est durant la pandémie de la COVID-19 que ces semi-conducteurs ont acquis un rôle cardinal. La mise en arrêt de leur production a en effet entraîné une pénurie flagrante dans un contexte de progrès technologiques effrénés. Cette rupture a fortement touché les secteurs tels que celui de la communication où la demande a explosé en raison du télétravail. Sony, à titre d’exemple, a vu la production de sa PlayStation 5 ralentir à cause de la pénurie des chipsets.
Suite à la fin des restrictions liées à la COVID-19, tout le monde s’attendait au rétablissement progressif du secteur, mais c’était sans compter sur le déclenchement d’une autre crise, celle de la guerre russo-ukrainienne. Cette dernière est l’une des raisons principales de ce différend autour des semi-conducteurs. En effet, en raison des livraisons abondantes des aérospatiales vers l’Ukraine, l’Oncle Sam a vu ses stocks d’armes diminuer pour atteindre un niveau inouï.
Plus que jamais, une course furieuse vers l’approvisionnement s’est déclenchée entre la Chine et les Etats-Unis. Les semi-conducteurs sont ainsi au cœur des stratégies sino-américaines vers le leadership mondial et aucune des deux parties ne semble prête à faire des concessions. Pour les américains, c’est surtout la crainte d’être dépassés par le géant chinois qui motive cet acharnement.
Néanmoins, leur interdépendance envers un acteur non négligeable comme Taïwan s’avère être un facteur décisif.
Il faut savoir que l’îlot asiatique, source de chaos dans le Pacifique, est actuellement l’eldorado des semi-conducteurs. Représenté par le joyau TSMC (Taïwan Semiconductor Manufacturing Company), Taipei détient la plus grande part de la production mondiale des micropuces avec 60% et 92% composants des plus sophistiquées.
Taïwan prend parti
Malgré les revendications, les manœuvres et les menaces chinoises qui persistent, la coopération américano taïwanaise est toujours aussi inébranlable. Du côté de Taipei, le gouvernement compte depuis longtemps les Etats-Unis comme allié principal. De ce fait, les américains se sont engagés à défendre l’îlot en cas de menaces provenant de la Chine. Un engagement qui a d’ailleurs été affirmé explicitement par Joe Biden qui a répondu par l’affirmative à une question portant sur le rôle des Etats-Unis en cas d’invasion chinoise. Sa réponse était brève et claire : “Nos troupes défendront Taïwan”.
Cette réponse n’a évidemment pas plus aux représentants chinois qui ont insisté sur le fait que leur pays ne reculera devant rien pour atteindre son objectif d’une seule Chine.
De son côté, Taipei entretient des relations étroites avec les Etats-Unis. Le géant TSMC s’est même implanté en Arizona où deux unités de production sont en cours de construction. L’ouverture de la première est ainsi planifiée pour 2024 tandis que la deuxième le sera à l’horizon de 2026. Ce projet pourrait renforcer davantage la chaîne de valeur actuelle qui regroupe Taïwan (TSMC), les USA (Intel), le Japon et la Corée du Sud (Samsung) et qui met la Chine à écart.
Il est à rappeler que les Etats-Unis sont un acteur clé dans cette chaîne. La R&D (recherche et développement), la conception des chipsets, des logiciels et des équipements connexes lui sont en effet confiés. Quant à Taïwan, elle garde le monopole des FABs (des usines très spécialisées destinées à la fabrication des micropuces) et se charge donc des missions d’assemblage.
Vers un monde plus fragmenté ?
La Chine cherche à augmenter sa production, à réduire l’indépendance envers Taïwan et à combler son retard au niveau des chipsets. Mais elle a encore un long trajet à parcourir avant d’espérer atteindre ce but ultime.
Il y a plus de 10 ans, la Chine s’était fixée comme objectif d’augmenter sa production à 75% et s’était donc engagée dans une stratégie pour assurer son autosuffisance en micropuces. Or, en 2021, il s’avère que le géant chinois a importé plus de semi-conducteurs que de pétrole et n’est parvenu qu’à un seuil de 15% de production des chipsets.
Toute aspiration chinoise sera certainement contrée par les Etats-Unis. Washington est prêt à tout pour freiner le développement de Pékin. C’est dans ce contexte que Trump a émis autrefois un ensemble de sanctions ciblant Huawei et ZTE suite à quoi, les deux géants chinois dans le monde de l’électronique avaient connu des pertes considérables.
Biden a multiplié, à son tour, les offensives envers la Chine. Cette fois-ci, un embargo sur les semi-conducteurs a été instauré contre la Chine. La firme hollandaise ASML, spécialisée dans la fabrication des semi-conducteurs, a ainsi récemment annoncé qu’elle s’est vue interdire l’exportation des machines de lithographie (composant crucial pour la fabrication des micropuces) vers la Chine. Dell, la firme américaine de renom, a aussi mis l’accent sur la nécessité de diminuer les composants fabriqués en Chine dans ses produits.
En conclusion, une alliance entre Taïwan, les Etats-Unis, le Japon et les Pays-bas semble s’être formée pour contrer les ambitions hégémoniques du géant chinois dans le but d’accentuer la fragmentation sur la scène internationale.
Or, ce coup de tonnerre pourrait bien, à l’inverse, pousser la Chine à envisager l’invasion de Taïwan comme une solution finale pour mettre fin à ce conflit.
Reste à savoir quelle sera réellement la réaction de Xin Jinping pour sécuriser son immense besoin en semi-conducteurs…